12/05/2008

Les effets secondaires de la ch'ti mania

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Qui mieux que Facebook peut entretenir les inimitiés ?
Sur Facebook, on l’a remarqué les gens peuvent aisément s’insulter par groupes interposés. Ainsi, le film « Bienvenue chez les ch’tis » qui défraie déjà (exagérément ?) la chronique, déchaîne les passions sur le célèbre site. Et là, quel étonnement !

Bien sûr, on croise des groupes de non-ch’tis qui déversent leur bile sur les gens du Nord qu’ils ont toujours méprisé et qu’ils haïssent encore plus désormais. Ainsi, les groupes tels que « Pas bienvenue chez les ch’tis » ou « Je n’ai pas ri devant bienvenu chez les ch’tis » ou encore le désormais tristement célèbre « Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les ch’tis» n’étonnent pas outre mesure…

Bien sûr, on croise des groupes de ch’tis qui aimaient déjà leur région et en sont encore plus fiers grâce au film et espèrent (en vain ?) l’effondrement des clichés. Sobrement, une dizaine de groupes s’intitulent « Bienvenue chez les ch’tis ». Pas originaux, mais le message est clair. Et les internautes poussent la fierté jusqu’à adhérer au groupe « Avec Bienvenue chez les ch’tis, Dany Boon est devenu mon Dieu ».

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Pas banal ! On se retrouve tout à coup effarés devant un groupe de ch’tis qui aimaient leur région et ne la supportent plus depuis que le film a fait le tour de la France. Certains parce qu’on les appelle « Biloute » à tout bout de champ avec un accent exagéré à pleurer. D’autres parce que la haine envers notre région a été accentuée par le film. La preuve en est la banderole dont on a déjà tellement parlé. Certes, sans le film, beaucoup de personnes auraient gardé leurs préjugés. Mais c’est aussi le film qui a attiré l’attention sur les ch’tis beaucoup plus que d’habitude, suscitant le mépris de personnes qui ne nous portaient déjà pas dans leur cœur. Pire, d’autres qui n’avaient rien contre nous nous détestent désormais. Alors ce film a fait du bien à la région, du moins à son moral. Mais pour certains, trop c’est trop !

« Depuis Bienvenue chez les ch’tis, j’ai perdu la ch’titude » rassemble 38 facebookiens. Que dire, donc de ce film, quelques mois après ? Doit-on regretter que Dany Boon ait voulu « faire la pub » de notre région ? A en croire les membres du groupe « Ch’tis victimes du phénomène Bienvenue chez les Ch’tis », le film a tout de même eu un effet néfaste commun aux ch’tis et aux autres : l’agacement ! « Nous ne sommes pas tous des alcolos !Si vous n'êtes pas Cht'i n'essayez pas de le parler, c'est ridicule ! Stop au mauvais usage du vocabulaire cht'i ! », peut-on lire dans la description.

Néanmoins, il ne faut pas exagérer les mauvais effets du film. Le groupe précédemment cité ne compte que 7 membres et le groupe « Pas bienvenu chez les ch’tis » n’en compte qu’un seul… Les effets secondaires sont donc tout relatifs. L’agacement est surtout dû à la surmédiatisation du phénomène…
Pour régler ce problème, une seule solution : que les médias mettent un frein à la Une ch’tie à tout prix.
Certes, on est touchés. Certes, ça vous fait vendre… mais trop c’est trop !

31/03/2008

Un nordiste nostalgique du marteau et de la faucille

Gilles, 40 ans, est originaire du Pas de Calais, toulousain d’adoption. C’est un communiste dans l’âme. Pour ce fils de mineur, l’identité ch’tie est indiscociable du communisme.
Il a vêcu pendant 33 ans à Grenay, près de Lens, où le maire PC Daniel Breton vient d’être réélu dès le premier tour avec 74 % des voix.
Le communisme, pour Gilles, c’est avant tout une tradition de vote familial : son paternel lui a transmis les valeurs que son propre père lui avait inculquées. « À 14 ans, mon père est descendu à la mine. À l’époque, les mineurs prenaient leurs cartes PC et CGT presque automatiquement. »
Le bassin minier, il le définit comme une terre de luttes sociales. Il est fier de la génération de son père et de ses grands-pères, qui se sont ardemment battus pour nos acquis actuels. Quelle joie, pour lui, si les jeunes d’aujourd’hui pouvaient se battre à nouveau, faire la révolution !

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Ce qui plait au chauffeur de poids-lourds, parti travailler à Toulouse il y a sept ans, ce sont les valeurs sociales et la notion de partage des richesses. Mais il n’est pas dupe. Le PC n’a jamais eu le pouvoir présidentiel et la réalisation de leur programme est, selon lui, peu probable en France. Une chose empêche néanmoins le parti d’être enterré : « Il continue à exercer son pouvoir grâce au PS qui a souvent besoin d’une alliance pour obtenir des voix cruciales. » Il observe le fonctionnement du vote local : « Les maires communistes étaient là par tradition, et s’ils se débrouillent pour que les habitants continuent à les apprécier, ils resteront encore quelques années. » C’est ce qu’il espère, en tout cas, car pour lui : « Si la tradition de vote communiste meurt, c’est toute une partie de notre identité qui partira avec elle. »
Depuis peu, c’est plutôt vers la LCR que penche le cœur de Gilles. « C’est toujours le communisme, mais moins traditionnel, plus dynamique. » Le fils de mineur estime que le PC s’est défait des valeurs et idéaux qui faisaient le vrai communisme : « Ils ont abandonné le drapeau emblématique du PC avec le marteau et la faucille. Le parti s’ouvre, c’est mauvais car on se retrouve avec des gens de sensibilités très différentes et on n’arrive pas à composer. »
Au fond, ce que Gilles aime dans le vote communiste, c’est ce qu’il représente, c’est l’image qu’il donne de la région. Il aime à penser que les ch’tis étaient des personnes humbles et courageuses qui se sont battues pour obtenir des droits. A chacun sa définition du ch’ti. Ce qui importe finalement, c’est la fierté d’en être un.

30/03/2008

Pas tous chômeurs, mine de rien…

Cliché numéro 1 : Tous les anciens mineurs sont chômeurs et alcooliques !

5fa505ba5fd4dea5ab3fcd3318b41bbf.jpgLa preuve du contraire, c’est Michel, 71 ans. Un ancien mineur qui a travaillé toute sa vie et s’est reconverti professionnellement quand cela s’est avéré nécessaire. A la fermeture des mines, il a tout recommencé à zéro !
« J’ai commencé ma carrière le 29 janvier 1951, à 14 ans, comme galibot. »
Après l’obtention du certificat d’études, le père de Michel l’a accompagné pour l’inscription à la fosse. A l’époque, c’était comme ça pour tout le monde : à la fin des –très- courtes études, on allait au fond.

A 18 ans, Michel obtient le CAP mineur. A 20 ans, le jeune homme veut évoluer pour exercer un métier un peu moins rude à la mine. Il obtient le diplôme d’électro-mécanicien du fond, la modernisation de la mine aidant. Pour cela, il suit une formation accélérée en six mois à l’école de Noeux-les-Mines. Il travaille ensuite à la fosse 3 de Vermelles pendant onze ans.
La modernisation des mines fait encore évoluer Michel en 1959 : il devient hydrolicien du fond après avoir passé plusieurs certificats d’aptitude. Il obtient alors le statut d’Ouvrier Hautement Qualifié.

En 1971, lorsqu’on a plus besoin de lui à la mine, il se reconvertit dans la mécanique automobile. Mais en 1983, il traverse une période difficile. Les Houillères, qui l’avaient employé comme OHQ au fond, le font redescendre tout en bas de l’échelle, parce qu’il postule pour une filière différente. « Malgré 28 ans d’ancienneté, j’ai été déclassé ! J’ai fait une grave dépression : je n’étais pas reconnu pour ce que j’avais fait en tant que mineur pendant 20 ans ! » Michel a donc repassé des examens, à 47ans. De 1983 à 1987, il passe tous les tests jusqu’à atteindre le niveau de qualification maximal. Il est alors ajusteur-mécanicien-réparateur d’automobiles et engins de manutention. « J’ai dû m’adapter aux technologies : freinage automatique, ABS, tout ça au début c’était du chinois pour moi ! Puis au bout de quelques exercices, j’ai même su installer une pompe à injection. »

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Les retraités des Houillères avaient 43-44 ans lorsque les mines ont fermé. Beaucoup d’entre eux étaient très malades à cause de la silicose. « Leur pension ne pesait pas lourd... Et la seule consolation à ce manque d’argent, c’est que la plupart d’entre eux n’ont pas survécu longtemps au charbon qui les a détruits ! » D’autres se sont reconvertis dans des domaines variés qui n’ont pas toujours fonctionné. « Il y en a qui ont été embauchés pour construire le tunnel sous la Manche. Mais ensuite, ils se sont retrouvés au chômage. Il n’empêche que beaucoup se sont débrouillés, comme moi, pour se reconvertir. Du courage et de la patience, il nous en a fallu ! »

En 1991, à l’âge de 55 ans, on lui propose de prendre sa pré-retraite des Houillères. Mais la pension n’étant pas suffisante, Michel décide de continuer à travailler un peu pour arrondir les fins de mois, en attendant d’avoir 60 ans et de toucher sa retraite complète. La Caisse primaire d’assurance maladie de Lens l’engage alors comme gardien de nuit, jusqu’en 1996.

Aujourd’hui retraité, cet hyperactif aide constamment ses enfants et petits enfants dans les travaux manuels du quotidien. Il met au service de ses proches les talents qu’il a acquis durant toute sa vie. « J’ai toujours été prêt à apprendre, même quand on m’a demandé de réparer un pneumatique. Il ne faut jamais considérer qu’une tâche est dégradante. Tout ce que j’ai appris m’a servi : je n’ai jamais eu besoin d’emmener ma voiture au garage. »

ab991f70f806ba60975f9cb102eea1b4.jpgAujourd’hui, le montant de sa pension de mineur s’élève à environ 302 euros. « J’ai cotisé 116 trimestres aux Houillères et 69 trimestres à la sécu. Cela représente à peu près 46 ans de travail, dont 20 ans au fond. Et certains pleurent déjà parce qu’ils vont cotiser 41 ans au lieu de 40 ! »
Paresse et découragement sont donc des mots bannis du vocabulaire de l’ancien mineur. Car la réponse à tout, selon Michel, est «Si té y arrives pas, faut forcher ! »*

*Si tu ne réussis pas, il faut persévérer !

Bienvenue chez les abru'tis




« Tous ensemble contre le racisme » pouvait-on lire tout autour du terrain lors de la finale de la Coupe de la Ligue PSG-Lens, samedi 29 mars 2008. Et tout à coup, l’énorme contraste, que dis-je ? L’oxymore sur banderole parisienne ! « Pédophiles, chômeurs consanguins : bienvenue chez les ch’tis » pouvait-on lire, étalé sur quinze mètres. Mais de qui se moque t-on ? Tandis que le FC Metz s’est vu retirer un point cette semaine pour les propos racistes d’un seul supporter, que fera t-on pour punir la bêtise collective des supporters du PSG ? N’est-ce pas là aussi du racisme, de la discrimination ?

Lorsque « Bienvenue chez les ch’tis » est sorti, je me suis doutée que ça ne plairait pas à tout le monde. Mais j’étais loin d’imaginer que la haine de certains était si forte. La haine des supporters de Lille envers les Lensois était déjà évidente, j’en ai même fait l’objet d’une enquête. Et cette haine a des raisons historiques. Mais je ne pensais pas que la bêtise pouvait pousser des gens qui n’ont certainement jamais mis un pied dans le Pas-de-Calais, à dire des choses aussi blessantes, et surtout aussi fausses !
Oui, il y a des chômeurs ici, comme partout ailleurs. Mais « consanguins » ou encore « pédophiles »… A quoi pensent les gens qui écrivent une chose pareille ? Et surtout, ne serait-ce pas justement le genre de choses qu’un abruti avec 2 de QI dirait ? JAMAIS vous n’avez vu jusqu’ici les supporters lensois fabriquer un tifo avec de telles insultes totalement hors de propos ! Et ce que je crains aujourd’hui, c’est que cet épisode pousse mes concitoyens à répondre à la débilité par la débilité.
Alors d’une part, je supplie mes amis Nordistes de ne pas tomber dans ce piège. D’autre part, je tiens à leur signaler que les personnes qui ont fait ça samedi sont une minorité, et qu’il ne faut donc pas faire le même amalgame qu’eux : les parisiens ne sont pas tous des personnes cruelles et insultantes.

Rejouer le match, ce serait inutile et injuste. Ce n’est pas le football qui est en jeu ici mais la bêtise et la méchanceté humaines. Cela n’a rien à voir avec le sport, ces gens-là ne sont pas dignes d’être appelés « supporters ».
Les supporters lensois ont peut-être l’air à vos yeux d’attardés « consanguins » parce qu’ils sont tout habillés de rouge et jaune et portent des écharpes à l’effigie de leur équipe préférée. Certes, on n’a pas l’air très intelligent dans un tel accoutrement, à VOS yeux… Mais c’est ça, le supportérisme chers amis, c’est ça l’esprit sport ! Etre derrière son équipe qu’elle gagne ou qu’elle perde. Chanter durant tout un match les hymnes de notre club et non pas siffler méchamment les joueurs et supporters de l’autre équipe. Chanter avec cette passion viscérale « Les corons » et en avoir les larmes aux yeux parce que c’est NOTRE identité !

Une identité, ça n’est pas donné à tout le monde, non… Les personnes cruelles qui ont écrit ces horreurs n’en ont sûrement pas. Leurs grands-parents n’ont rien fait de significatif pour un pays tout entier. Et ils seraient morts de froid si nos grands-pères n’étaient pas crevé à la mine.
Alors à l’avenir, âmes insensibles, tournez sept votre langue dans votre bouche avant de débiter un tel tas d’idioties. Parce que les ch’tis ne sont pas des « chômeurs consanguins » mais des êtres humains avec un passé douloureux et une région sinistrée. Après avoir été un berceau énergétique qui a servi toute la France, cette région a dû faire face à la délocalisation et la fermeture de tout ce qui nourrissait les bouches nordistes (mines, sidérurgie).
Alors cessez de nous jeter à la figure notre malchance, et cessez de tout mélanger ! Les performances sportives n’ont strictement rien à voir avec ces considérations sociales, jusqu’à preuve du contraire. Si on insultait les joueurs et supporters du PSG de bobos, qu’est-ce que ça pourrait bien avoir à faire avec le foot ? Et de toute façon, la question ne se pose pas, car les supporters lensois n’entrent pas dans ce genre de jeu débile.
« Supporter » une équipe, ça n’est pas insulter l’équipe adverse. Entrez-vous bien ça dans le crâne, et tout ira mieux !