30/03/2008

Pas tous chômeurs, mine de rien…

Cliché numéro 1 : Tous les anciens mineurs sont chômeurs et alcooliques !

5fa505ba5fd4dea5ab3fcd3318b41bbf.jpgLa preuve du contraire, c’est Michel, 71 ans. Un ancien mineur qui a travaillé toute sa vie et s’est reconverti professionnellement quand cela s’est avéré nécessaire. A la fermeture des mines, il a tout recommencé à zéro !
« J’ai commencé ma carrière le 29 janvier 1951, à 14 ans, comme galibot. »
Après l’obtention du certificat d’études, le père de Michel l’a accompagné pour l’inscription à la fosse. A l’époque, c’était comme ça pour tout le monde : à la fin des –très- courtes études, on allait au fond.

A 18 ans, Michel obtient le CAP mineur. A 20 ans, le jeune homme veut évoluer pour exercer un métier un peu moins rude à la mine. Il obtient le diplôme d’électro-mécanicien du fond, la modernisation de la mine aidant. Pour cela, il suit une formation accélérée en six mois à l’école de Noeux-les-Mines. Il travaille ensuite à la fosse 3 de Vermelles pendant onze ans.
La modernisation des mines fait encore évoluer Michel en 1959 : il devient hydrolicien du fond après avoir passé plusieurs certificats d’aptitude. Il obtient alors le statut d’Ouvrier Hautement Qualifié.

En 1971, lorsqu’on a plus besoin de lui à la mine, il se reconvertit dans la mécanique automobile. Mais en 1983, il traverse une période difficile. Les Houillères, qui l’avaient employé comme OHQ au fond, le font redescendre tout en bas de l’échelle, parce qu’il postule pour une filière différente. « Malgré 28 ans d’ancienneté, j’ai été déclassé ! J’ai fait une grave dépression : je n’étais pas reconnu pour ce que j’avais fait en tant que mineur pendant 20 ans ! » Michel a donc repassé des examens, à 47ans. De 1983 à 1987, il passe tous les tests jusqu’à atteindre le niveau de qualification maximal. Il est alors ajusteur-mécanicien-réparateur d’automobiles et engins de manutention. « J’ai dû m’adapter aux technologies : freinage automatique, ABS, tout ça au début c’était du chinois pour moi ! Puis au bout de quelques exercices, j’ai même su installer une pompe à injection. »

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Les retraités des Houillères avaient 43-44 ans lorsque les mines ont fermé. Beaucoup d’entre eux étaient très malades à cause de la silicose. « Leur pension ne pesait pas lourd... Et la seule consolation à ce manque d’argent, c’est que la plupart d’entre eux n’ont pas survécu longtemps au charbon qui les a détruits ! » D’autres se sont reconvertis dans des domaines variés qui n’ont pas toujours fonctionné. « Il y en a qui ont été embauchés pour construire le tunnel sous la Manche. Mais ensuite, ils se sont retrouvés au chômage. Il n’empêche que beaucoup se sont débrouillés, comme moi, pour se reconvertir. Du courage et de la patience, il nous en a fallu ! »

En 1991, à l’âge de 55 ans, on lui propose de prendre sa pré-retraite des Houillères. Mais la pension n’étant pas suffisante, Michel décide de continuer à travailler un peu pour arrondir les fins de mois, en attendant d’avoir 60 ans et de toucher sa retraite complète. La Caisse primaire d’assurance maladie de Lens l’engage alors comme gardien de nuit, jusqu’en 1996.

Aujourd’hui retraité, cet hyperactif aide constamment ses enfants et petits enfants dans les travaux manuels du quotidien. Il met au service de ses proches les talents qu’il a acquis durant toute sa vie. « J’ai toujours été prêt à apprendre, même quand on m’a demandé de réparer un pneumatique. Il ne faut jamais considérer qu’une tâche est dégradante. Tout ce que j’ai appris m’a servi : je n’ai jamais eu besoin d’emmener ma voiture au garage. »

ab991f70f806ba60975f9cb102eea1b4.jpgAujourd’hui, le montant de sa pension de mineur s’élève à environ 302 euros. « J’ai cotisé 116 trimestres aux Houillères et 69 trimestres à la sécu. Cela représente à peu près 46 ans de travail, dont 20 ans au fond. Et certains pleurent déjà parce qu’ils vont cotiser 41 ans au lieu de 40 ! »
Paresse et découragement sont donc des mots bannis du vocabulaire de l’ancien mineur. Car la réponse à tout, selon Michel, est «Si té y arrives pas, faut forcher ! »*

*Si tu ne réussis pas, il faut persévérer !

Bienvenue chez les abru'tis




« Tous ensemble contre le racisme » pouvait-on lire tout autour du terrain lors de la finale de la Coupe de la Ligue PSG-Lens, samedi 29 mars 2008. Et tout à coup, l’énorme contraste, que dis-je ? L’oxymore sur banderole parisienne ! « Pédophiles, chômeurs consanguins : bienvenue chez les ch’tis » pouvait-on lire, étalé sur quinze mètres. Mais de qui se moque t-on ? Tandis que le FC Metz s’est vu retirer un point cette semaine pour les propos racistes d’un seul supporter, que fera t-on pour punir la bêtise collective des supporters du PSG ? N’est-ce pas là aussi du racisme, de la discrimination ?

Lorsque « Bienvenue chez les ch’tis » est sorti, je me suis doutée que ça ne plairait pas à tout le monde. Mais j’étais loin d’imaginer que la haine de certains était si forte. La haine des supporters de Lille envers les Lensois était déjà évidente, j’en ai même fait l’objet d’une enquête. Et cette haine a des raisons historiques. Mais je ne pensais pas que la bêtise pouvait pousser des gens qui n’ont certainement jamais mis un pied dans le Pas-de-Calais, à dire des choses aussi blessantes, et surtout aussi fausses !
Oui, il y a des chômeurs ici, comme partout ailleurs. Mais « consanguins » ou encore « pédophiles »… A quoi pensent les gens qui écrivent une chose pareille ? Et surtout, ne serait-ce pas justement le genre de choses qu’un abruti avec 2 de QI dirait ? JAMAIS vous n’avez vu jusqu’ici les supporters lensois fabriquer un tifo avec de telles insultes totalement hors de propos ! Et ce que je crains aujourd’hui, c’est que cet épisode pousse mes concitoyens à répondre à la débilité par la débilité.
Alors d’une part, je supplie mes amis Nordistes de ne pas tomber dans ce piège. D’autre part, je tiens à leur signaler que les personnes qui ont fait ça samedi sont une minorité, et qu’il ne faut donc pas faire le même amalgame qu’eux : les parisiens ne sont pas tous des personnes cruelles et insultantes.

Rejouer le match, ce serait inutile et injuste. Ce n’est pas le football qui est en jeu ici mais la bêtise et la méchanceté humaines. Cela n’a rien à voir avec le sport, ces gens-là ne sont pas dignes d’être appelés « supporters ».
Les supporters lensois ont peut-être l’air à vos yeux d’attardés « consanguins » parce qu’ils sont tout habillés de rouge et jaune et portent des écharpes à l’effigie de leur équipe préférée. Certes, on n’a pas l’air très intelligent dans un tel accoutrement, à VOS yeux… Mais c’est ça, le supportérisme chers amis, c’est ça l’esprit sport ! Etre derrière son équipe qu’elle gagne ou qu’elle perde. Chanter durant tout un match les hymnes de notre club et non pas siffler méchamment les joueurs et supporters de l’autre équipe. Chanter avec cette passion viscérale « Les corons » et en avoir les larmes aux yeux parce que c’est NOTRE identité !

Une identité, ça n’est pas donné à tout le monde, non… Les personnes cruelles qui ont écrit ces horreurs n’en ont sûrement pas. Leurs grands-parents n’ont rien fait de significatif pour un pays tout entier. Et ils seraient morts de froid si nos grands-pères n’étaient pas crevé à la mine.
Alors à l’avenir, âmes insensibles, tournez sept votre langue dans votre bouche avant de débiter un tel tas d’idioties. Parce que les ch’tis ne sont pas des « chômeurs consanguins » mais des êtres humains avec un passé douloureux et une région sinistrée. Après avoir été un berceau énergétique qui a servi toute la France, cette région a dû faire face à la délocalisation et la fermeture de tout ce qui nourrissait les bouches nordistes (mines, sidérurgie).
Alors cessez de nous jeter à la figure notre malchance, et cessez de tout mélanger ! Les performances sportives n’ont strictement rien à voir avec ces considérations sociales, jusqu’à preuve du contraire. Si on insultait les joueurs et supporters du PSG de bobos, qu’est-ce que ça pourrait bien avoir à faire avec le foot ? Et de toute façon, la question ne se pose pas, car les supporters lensois n’entrent pas dans ce genre de jeu débile.
« Supporter » une équipe, ça n’est pas insulter l’équipe adverse. Entrez-vous bien ça dans le crâne, et tout ira mieux !

19/02/2008

L'anti-dépresseur version Dany Boon

af4895873345d3b14efafd7688c0a26c.jpgJe fais partie des chanceux qui ont assisté à l’avant-première lommoise de "Bienvenue chez les ch'tis". Lorsque j’ai vu la bande-annonce il y a quelques mois, j’étais inquiète. J’ai pensé «Oh non, Dany, tu vas nous ridiculiser au cinéma, ils vont bien rire, les autres ! » Mais un film qui reflète notre identité régionale, ça n’arrive pas souvent. J’ai donc acheté ma place dès que j’ai pu, dès décembre.

La projection est programmée à 21h30. A 20h15, la salle est déjà presque pleine. Puis, c’est parti pour 15 minutes exclusives de making-off qui font déjà passer le public du rire aux larmes. Ces extraits s’achèvent sur Dany Boon annonçant « Ca y est, c’est fini, c’était la dernière scène. » Le réalisateur pleure. Son film est terminé, il l’a fait. Et là, contre toute attente, c’est Kad Merad qui se met à pleurer. Ce ne sont pas les larmes fictives de Philippe Abrahms, son personnage, mais bien celles de l’acteur. Il explique qu’il a adoré travailler avec cette équipe et dans cette région, et il pleure. Pari réussi au-delà de la fiction pour Dany Boon : Kad Merad est venu travailler dans le Nord et il a bien «bré deux coups : eune fos in arrivant et eune fos in r’partant».

Les gens sont impatients. Le making-off leur a ouvert l’appétit. Aucun doute, ils vont se régaler de rires jusqu’à en pleurer. C’est d’abord une liste presque exhaustive des clichés sur les gens du Nord. Mais comme promis, il les démonte, un à un. Ce ne sont pas les nordistes qui sont ridicules, cette fois, mais bien les énormités qu’on peut dire à leur sujet. Finalement, je pense que ce film agira comme un anti-dépresseur pendant plusieurs années. D’abord parce que les rires qu’il suscite ne sont pas narquois. Il fait rire les ch’tis qui comprennent sans peine le dialecte nordiste et s’attaque aussi aux abdos des moqueurs.

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Après avoir vu « Bienvenue chez les ch’tis », on se moque pas mal de ce que les gens d’ailleurs peuvent penser de notre région. C’est l’image que les ch’tis ont d’eux-mêmes en sortant de la salle qui compte. Ce dialecte, aussi bizarre qu’il puisse paraître, fait partie de notre identité. Et si le personnage de Kad Merad s’étonne à ce point de l’accueil qu’on lui réserve naturellement dans le Nord, ça n’est pas pour rien, c’est même révélateur. Comme l’acteur Stéphane Freiss l’a souligné après la projection, ce film a été possible grâce à la générosité et l’authenticité de son réalisateur et des habitants de sa région d’origine.